Pourquoi le bilan matériel de Macky ne pèse pas

Il avait presque tout misé sur son bilan matériel. Alors que les Sénégalais ont manifestement soif d’un système judiciaire plus impartial, d’une démocratie plus inclusive et d’une gouvernance « sobre et vertueuse », Macky Sall a mis en avant un bilan en béton pour rallier le maximum d’électeurs à la cause de sa coalition. Les infrastructures ont fleuri, le TER s’est mis à rouler et le BRT sort de terre. Mais tout cela n’a guère profité à Benno Bokk Yaakaar. Pourquoi le bilan matériel de Macky ne pèse pas ? Y aurait-il un gros malentendu entre le Président et les Sénégalais ? Manifestement oui. On a comme l’impression qu’il y a eu tromperie sur la marchandise par rapport à ce qu’il avait vendu aux électeurs pour avoir leurs suffrages afin d’accéder à la magistrature suprême en 2012. Il avait fait de la restauration de l’Etat de droit et de la défense des valeurs de la République l’axe prioritaire de son projet de société. Macky Sall était surtout porteur de beaux slogans qui avaient amené une bonne partie des Sénégalais à épouser son programme de gouvernement. « La patrie avant le parti », répétait-il a l’envi. Tout comme il promettait « une gouvernance sobre et vertueuse ». Mieux, porté triomphalement à la magistrature suprême, il promettait de se focaliser plus sur le renforcement de l’Etat de droit que sur les infrastructures. Or, c’est tout le contraire qu’il aura fait après dix ans de règne. Tout pour le matériel. Et peu ou prou pour l’immatériel. Il a pensé que le tout était de réaliser de tracer des routes, d’ériger des ponts et auto ponts et de faire fleurir les infrastructures. Il a surtout pensé qu’il fallait en mettre plein les yeux et que les Sénégalais tomberaient tous en pâmoison devant ses joyaux infrastructurels et ne préoccuperaient point de l’état de la démocratie, des libertés publiques, de la marche des institutions, encore moins du fonctionnement de la justice. Or, les Sénégalais ont le sentiment qu’il a instrumentalisé le parquet pour éliminer des adversaires alors qu’en revanche, l’impunité est garantie à ses proches et à ses partisans. Certes, deux députés de son camp croupissent en taule pour trafic de faux passeports diplomatiques, mais leur collègue Seydina Fall Boughazelli, pris la main dans le sac pour faux monnayage, a vite humé l’air de la liberté après quelques mois de détention. Quant à son griot Farba Ngom, il n’a même pas été entendu ni même interpellé après le vol de près d’un milliard de francs à son domicile, contrairement à ce pauvre officier des douanes qui a eu maille à partir avec la justice après été victime d’un vol de 150 millions chez lui. Une logique de deux poids deux mesures que l’on retrouve également sur le champ politique. Comme en témoigne les récentes arrestation , alors que presque au même moment l’apériste Ameth Suzanne Camara menaçait publiquement de mort l’opposant Ousmane Sonko sans que la justice ne bronche. Et que dire de l’injonction faite à ses partisans de ne piper mot sur le 3ième ? Ceux qui se sont montrés un tant soit peu hostiles, ont été virés purement et simplement. Alors que ceux qui sont pour et le proclament sont sinon encouragés, du moins ménagés. Une logique de deux poids deux mesures qui a peut-être poussé son allié Serigne Modou Kara et Son ministre des Affaires étrangères, Aïssata Tall Sall, à vendre la mèche. L’un a défendu le vote d’une loi pour faire sauter le verrou sur la limitation du nombre de mandats à deux, tandis que la seconde plaide pour « une présidence à vie ». Deux projets funestes que les électeurs ont peut-être voulu stopper net par leur vote dimanche dernier. La mort , et dans des circonstances non encore élucidées, de François Mancabou, d’Idrissa Goudiaby, et autres, Alexis Abdoulaye Diatta peut cacher le bilan du Président. Décidément, le Président et sa coalition sont focus sur leur bilan matériel, ignorant que les Sénégalais sont tout aussi préoccupés par le bilan immatériel. Tout comme par la cherté de la vie. Benno l’a appris à ses dépens.

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