MACKY-SONKO Duel de revanchards

On a beau le tourner et le retourner, l’analyser sous différents angles et l’appréhender sous toutes les coutures, l’imbroglio politique actuel renvoie à deux noms : Macky Sall et Ousmane Sonko. Sur fond de rivalité politique, les deux hommes se livrent un combat crypto personnel depuis le licenciement arbitraire du leader de Pastef de son poste d’inspecteur des impôts et domaines jusqu’à l’actuel contentieux, en passant par l’affaire Adji Sarr et les émeutes de mars 2021 qui ont fait vaciller le régime de Macky Sall. Aucun des deux n’entend perdre la face et rumine sa revanche. D’où leur posture jusqu’au-boutiste.

La crise politique que vit le pays parait si complexe, voire inextricable, elle tient cependant à deux noms : Macky-Sonko. Avec d’une part un Président qui peine à s’élever et de l’autre, son principal opposant qui refuse de prendre de la hauteur.

C’est l’exact opposé du couple Abdou Diouf-Abdoulaye Wade. Rivaux au plan politique, il n’y avait malgré tout aucune animosité entre l’ancien Président et son principal opposant, ni aucun ressentiment personnel. Si bien qu’ils savaient la limite à ne pas dépasser dans l’adversité pour faire baisser la tension lorsqu’il le fallait et même travailler dans le même gouvernement à chaque fois que de besoin.

Hélas, c’est tout le contraire entre le Président Macky Sall et son principal opposant. Autant Diouf et Wade constituaient presque un duo, bien qu’étant opposés, autant le couple Macky-Sonko renvoie à un duel sans merci. Un mortal kombat qui se nourrit de l’animosité qu’ils éprouvent l’un pour l’autre et de leur soif inextinguible de revanche.

Interrogé une fois en privé sur la nature violente de son opposition à l’endroit du Président Macky Sall, Sonko lâcha tout de go : « Il a été le premier à se montrer très violent vis-à-vis de moi ». Faisant ainsi référence au décret de limogeage que le chef de l’Etat n’avait pas hésité à prendre pour mettre fin à ses fonctions d’inspecteur des impôts et domaines. Un acte de représailles contre son activisme syndical que le leader de Pastef « Les Patriotes » n’arrive toujours pas à digérer. Au contraire, devenu député après avoir créé son parti, il gagna ses galons de leader politique, caressant sûrement le rêve de devenir l’adversaire numéro un de Macky Sall et son plus farouche opposant.

Raillé par le Président et ses partisans comme étant le « candidat des réseaux sociaux », il les surprend en arrivant troisième à la présidentielle 2019 avec plus de 15 % des suffrages. Et quand Idrissa Seck, arrivé deuxième avec un peu plus de 20% des voix rejoint la majorité présidentielle, le voilà désormais face-à-face et nez à nez avec le Président Macky Sall qui ne peut digérer, de son côté, l’ascension fulgurante de ce cadre des impôts et domaines dont il croyait avoir mis fin à la carrière en signant son décret de licenciement de la fonction publique.

Tel est donc le marqueur de la grande rivalité politique entre les deux hommes. Décidé d’en découdre avec celui qui chercha à l’humilier et à ruiner sa carrière de fonctionnaire, Sonko fait feu de tout bois et attaque à tout-va. Et pour attaquer frontalement le Président, tout y passe : l’affaire des 94 milliards, le dossier Pétrotim impliquant le frère du Président Aliou Sall et, plus globalement, sa gestion des ressources pétrolières et gazières.

Quand survient l’affaire Adji Sarr et que le Président croit tenir l’occasion pour en finir avec cet opposant farouche et féroce, les choses tournent mal. Si mal qu’il a failli en perdre son pouvoir avec les émeutes de mars 2021 ponctuées par 14 morts.

Devenu député après son limogeage des impôts et domaines, Sonko a réussi jusque-là à survivre à l’affaire Adji Sarr, infligeant même à Macky Sall son premier gros revers dans un rapport de force avec l’opposition, avant de gagner haut la main la mairie de Ziguinchor aux locales du 23 janvier dernier. Toutes choses qui ne semblent avoir étanché pour autant sa soif de revanche sur le signataire de son décret de limogeage de la fonction publique.

Quant à Macky Sall, il croit tenir avec l’invalidation de la liste nationale de Yewwi dont Sonko est la tête de file, l’occasion de réenclencher son entreprise de liquidation contre le leader de Pastef pour enfin prendre sa revanche sur son adversaire le plus sérieux et le plus coriace. Pas étonnant donc qu’ils soient tous les deux dans une posture jusqu’au-boutiste qui peut hélas plonger le pays dans le chaos. Mais, on ne peut les renvoyer dos à dos. La responsabilité de Macky Sall, président de la République, est autrement plus engagée que celle de Sonko qui est dans son rôle d’opposant. Avec tout de même son style si particulier qui laisse parfois à désirer.

Momar DIONGUE  

 

 

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