Il faut sauver le soldat Mané Par Mamadou Kassé

Sadio Mané aurait-il levé la main sur son coéquipier et non moins « compatriote » Leroy Sané, suite aux altercations lors du match Manchester City-Bayern de Munich en quart de finale de l’Europa League ? Aurait-il touché le visage de celui qui aurait dû faciliter son intégration au sein du groupe munichois ? Que s’est-il passé dans les vestiaires pour que les médias du monde en fassent un si grand écho au risque d’amplifier un fait anodin entre partenaires d’une même équipe en événement en mondovision ?  Quoi de plus naturelle que des altercations surviennent après des défaites à la fois amères et frustrantes comme celle que vient de subir le Bayern de Munich ! Ceux qui fréquentent les vestiaires des équipes de football savent que les retours du terrain sont souvent émaillés d’incidents à mettre sur le compte des tensions d’après match. Sans savoir réellement ce qui s’est passé entre Mané et Sané qui relève d’une scène de ménage à laver en famille, je peux tout de même retenir qu’il y a une sorte de manœuvre de diabolisation d’un geste que nous considérons, jusqu’à preuve du contraire, comme une réaction normale de deux attaquants qui, tous les deux, ne pouvaient contenir leur amertume et leurs frustrations pour deux raisons évidentes.

La première est que l’un et l’autre avaient une revanche à prendre sur City. Pour Leroy Sané, l’adversaire du jour est l’ennemi à abattre pour l’avoir éjecté du groupe lors de son séjour en Angleterre. Sané ne saurait pardonner son retour précipité en Allemagne, lui qui pensait être l’épine dorsale de l’équipe. Pour un joueur de sa dimension, il n’y a pas plus grande humiliation que celle-ci et la seule occasion de l’effacer était de battre cette équipe sur son propre terrain et devant son public. Hélas, la revanche tant attendue n’a pas produit l’effet escompté. Sané n’a rien pu faire pour empêcher cette seconde humiliation. Sadio qui arrive lui aussi de l’Angleterre auréolé du statut de bourreau des grandes équipes et d’épouvantail de Manchester City avait une image à préserver dans un match qui servait aussi de revanche sous le regard de ses anciens coéquipiers de Liverpool. Un grand match contre City lui aurait permis de faire regretter à ses anciens amis et supporters son départ précipité de Londres. Ce rêve de victoire sur la terre londonienne aurait scellé définitivement son statut de héros exilé de Liverpool en terre allemande. Hélas, le rêve s’est transformé en cauchemar.

Ainsi, pour l’un et pour l’autre, la montagne a accouché d’un souris et leurs images en ont pris un sacré coup. C’est dire que le retour aux vestiaires a été difficile à gérer aussi bien pour les deux coéquipiers que pour le groupe qui, sans doute, a éprouvé les mêmes sensations. D’autant que les erreurs individuelles défensives comme offensives sont restées à travers la gorge des joueurs munichois qui n’ont jamais été vus sur ce registre de l’inconstance et de l’incohérence.  Ce qui s’est passé entre Mané et Sané aurait pu se passer entre Pavard et De Ligt, Upamecano et Davies – Goretzka et Kimmich, Sané et Musiala, Coman–Müller et Gnabri. Ce sont sans doute des séances d’explications qui peuvent tourner court quand les nerfs sont surchauffés. Le coach Tuchel aurait pu tout aussi bien être pris à partie pour son coaching et sa mauvaise gestion du groupe.

Le fait divers Mané-Sané n’est pas un cas isolé. Sans doute constitue-t-il le révélateur de plusieurs situations de crises et de séances d’explications entre joueurs et entraineur que la presse n’a pas voulu révéler. C’est en cela que cet échange houleux constitue un meilleur contre feu à allumer pour éviter le pire et préparer le retour dans une sérénité relative et apparente car il faut sauver le navire Bayern. En attendant d’en savoir plus, je reste donc dubitatif sur ce fait tel qu’amplifie par les médias, même si la presse internationale et le réseaux sociaux en ont fait leurs choux gras.

La deuxième est qu’il faut venir au jeu, aux faits de jeu et à la façon dont Sadio Mané est utilisé depuis son arrivée au Bayern de Munich. Pourquoi Mané est encore confiné à la périphérie d’un groupe qu’il aurait dû intégrer par sa classe et sa capacité retrouver ses marques et à s’adapter dans une grande équipe ? Si le Sénégalais avait envie d’intégrer ce groupe et de faire corps avec ses nouveaux partenaires, tout semble laisser croire que l’arrivée de Sadio n’a pas été du goût de certains joueurs pour des raisons que seuls les responsables de l’équipe peuvent nous expliquer.  Sans connaitre les soubassements administratifs de cette affaire, on peut juste constater que sur le plan technique et de l’organisation du jeu, la greffe n’a pas pris. C’était le cas avec l’ex-entraineur, Nagelsmann qui n’avait jamais su le positionner sur le terrain, l’obligeant à jouer un rôle d’avant-centre à l’image de Lewandowski alors qu’il n’en a ni le physique ni l’expérience. L’arrivée de Thomas Tuchel n’a pas fait évoluer le jeu de Sadio, d’abord en raison de sa blessure et de sa longue convalescence, ensuite par le fait que sa posture sur le terrain n’a pas évolué. Sadio n’est pas un avant de pointe chargé de jouer les derniers ballons pour marquer des buts. C’est à la fois un animateur du jeu qui joue dans les espaces et participent au mouvement du jeu. Il ne saurait se figer sur un terrain pour attendre le ballon, rôle que lui font jouer les entraineurs du Bayern. Laissez-le à l’intervalle entre le milieu et l’attaque et vous aurez le rendement attendu d’un joueur qui sait porter la balle et remonter le terrain. Sa vélocité et sa vivacité font qu’il joue aussi bien les combinaisons courtes que les contres rapides sur de longues transversales. L’erreur du bayern est d’avoir abandonné ce qui faisait la force du football allemand : contrôle-passe. Le Bayern mise maintenant sur des joueurs qui portent trop la  balle et qui font des dribbles inutiles. Upaméecano, Davies, Leroy Sané, Coman et Musiala misent tous sur des dribles pour porter le ballon, obligeant Mané à attendre la balle dans la surface, ce qui fige son jeu.   Quand vous portez la balle jusqu’aux pieds de Mané, vous le soumettez à des duels inutiles et à des combats de gladiateurs propres aux avant-centres de combat. Si en plus les entraineurs ne lui font pas totale confiance en en faisant un remplaçant des dernières minutes, on imagine bien pourquoi Sadio est encore incompris dans un groupe qui aurait pu l’utiliser de la meilleure manière. Il faut donc sauver le soldat Mané en accompagnant sa convalescence et son intégration dans un groupe où les talents ne manquent pas mais ont besoin d’être mieux coachés par un retour à l’orthodoxie allemande fait de contrôle-passe dans la rigueur et le respect des principes de jeu.   

Mamadou Kassé

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