Guerre Israël-Hamas : les États-Unis « piégés » par …
Tout en reconnaissant à Israël « le droit de répondre et le devoir de riposter », à l’attaque meurtrière du Hamas, le président américain Joe Biden a appelé samedi à épargner les civils, à l’aube de l’offensive terrestre israélienne à Gaza. Pour le géopolitologue Pascal Boniface, Washington tente d’éviter un massacre qui pourrait avoir un impact désastreux sur l’État hébreu et ses alliés. Entretien.
Les civils doivent avoir « accès à l’eau, à la nourriture et aux soins médicaux ». Alors que l’offensive terrestre israélienne à Gaza est imminente, le président américain Joe Biden s’est entretenu, samedi 14 octobre, avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, soulignant l’importance de protéger les habitants prisonniers de conflit. Le même jour, il a également assuré au président palestinien Mahmoud Abbas son « soutien total » aux efforts d’apporter de l’aide humanitaire aux Palestiniens, « en particulier à Gaza ».
Après l’attaque meurtrière du Hamas contre l’Etat hébreu, samedi 7 octobre, Israël a lancé une campagne de frappes massive sur Gaza et coupé l’approvisionnements en eau, en électricité et en nourriture.
Soutien inconditionnel d’Israël, les États-Unis ont reconnu au pays le « droit de répondre et le devoir de riposter », tout en appelant à une réponse proportionnée. Le secrétaire d’État Anthony Blinken est pour sa part attendu en Israël lundi après une mission diplomatique régionale avec des escales en Jordanie, au Qatar, aux Émirats, en Arabie saoudite ou bien encore en Égypte.
Quel rôle Washington entend jouer dans la résolution de cette nouvelle crise qui agite le Moyen-Orient ? Eléments de réponse avec le géopolitologue Pascal Boniface.
Les Américains se sont montrés très offensifs diplomatiquement et militairement depuis l’attaque du Hamas. Quels sont leurs principaux objectifs ?
Pascal Boniface : Washington veut tout d’abord réassurer Israël du soutien inébranlable des États-Unis, illustré notamment par l’envoi de deux porte-avions en Méditerranée orientale. Ce renforcement militaire ne concerne pas le Hamas mais a plutôt une visée dissuasive vis-à-vis d’une éventuelle attaque iranienne si la situation était amenée à se détériorer. Il y a donc une volonté de réaffirmer un soutien à Israël qui fait partie de l’ADN de la diplomatie américaine.
Néanmoins il y a un problème pour les Américains car si l’offensive terrestre sur Gaza fait un nombre de morts trop élevé et que les normes du droit international sont trop ouvertement violées, ce soutien inconditionnel mettrait alors les États-Unis en difficulté dans d’autres parties du monde.
Outre le fait de diminuer le soutien d’Israël à l’échelle internationale, une telle opération rejaillirait négativement sur les principaux soutiens du pays hébreux que sont les pays occidentaux et en particulier les États-Unis. C’est pourquoi les Américains appellent à la retenue.
Washington tente également d’empêcher l’extension du conflit avec les forces du Hezbollah, à la frontière libanaise, ce qui ouvrirait un second front, et de calmer le jeu en Cisjordanie, où des affrontements entre colons et Palestiniens ont fait un nombre de morts relativement important depuis l’attaque du Hamas. On peut imaginer que de manière discrète, les Américains font pression sur Israël pour éviter les actes de représailles et que ne s’enflamment les violences intercommunautaires.
On sait que Joe Biden est bien plus critique de l’action du Premier ministre israélien Netanyahu que ne l’était son prédécesseur Donald Trump. Cette crise ressoude-t-elle les liens entre les deux pays ?
Joe Biden et Benjamin Netanyahu ont incontestablement des divergences. Le président américain est forcément gêné par l’entrée au gouvernement de ministres ouvertement racistes, avec qui le Premier ministre a formé une coalition pour sauver sa peau. Il désapprouve également la poursuite de la colonisation, sous l’influence forte des colons dans l’actuelle coalition.
Malgré tout, on ne peut pas dire que la crise actuelle a ressoudé les liens car ceux-ci ne se sont pas distendus. Joe Biden n’a absolument rien remis en cause de ce qu’avait décidé Donald Trump, qu’il s’agisse des accords d’Abraham ou bien du transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem.
Avec le retour d’Israël au premier plan de l’actualité, il y a eu une réaffirmation des liens et d’une solidarité totale, du fait de l’ampleur inédite de l’attaque sur territoire israélien. En même temps, face à la promesse israélienne de réponse par la force, les États-Unis sont piégés car ils savent très bien que l’opération va déboucher sur une catastrophe humanitaire.