DECISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL Et si le 3ième mandat se jouait maintenant ?
En rejetant tous les recours contre l’arrêté du ministre de l’Intérieur portant publication des listes de candidatures pour les législatives du 31 juillet prochain, le Conseil constitutionnel piétine allègrement le principe de l’unicité des listes au scrutin législatif. Selon les sept « sages », une liste de titulaires peut se présenter sans celle de ses suppléants (cas de Benno Bokk Yaakaar), de la même manière qu’une liste de suppléants est recevable sans celle de ses titulaires (cas de Yewwi Askan Wi). C’est inédit, insolite et surréaliste ! Et la ficelle est tellement grosse que si jamais elle passe, la validation d’une troisième candidature de Macky Sall en 2024 ne sera qu’une simple formalité pour les sept juges politiques.
Tantôt agitée, tantôt différée, la question du 3ième mandat se joue en vérité ici et maintenant. Et pour cause. La décision rendue par le Conseil constitutionnel sur les recours introduits contre l’arrêté du ministre de l’Intérieur relatif à la publication des listes de candidatures aux législatives du 31 juillet prochain, est un avant-goût de son arbitrage sur la validation ou non d’une troisième candidature de Macky Sall en 2024. « Qui peut le plus, dit l’adage, peut le moins ». Or, vu la décision inédite, insolite et surréaliste du Conseil Constitutionnel à propos de l’arrêté ministériel portant publication des candidatures aux prochaines législatives, il ne fait guère de doute qu’il n’aura aucun scrupule à trancher en faveur d’une troisième candidature de Macky Sall si tel était son souhait. Et qu’importe si la constitution ne laisse planer le moindre doute sur la question. « Nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs », stipule clairement l’article 27 de la Constitution, alinéa 2. Mieux, si l’on se fonde sur l’esprit du constituant, le Président Macky Sall avait clairement fait savoir que c’est pour verrouiller le nombre de mandats à deux et en finir pour de bon avec le débat sur une éventuelle troisième candidature qu’il avait proposé la réforme de mars 2016 par voie référendaire. Last but not least, il a même écrit noir sur blanc dans son livre « Le Sénégal au cœur », publié à la veille de la présidentielle 2019, qu’il était à la quête des suffrages des Sénégalais pour un « second et dernier mandat ». Seulement voilà, une fois réélu, il a pris le malin plaisir de maintenir le flou. Et même dernièrement, il a semblé plus enclin à tenter le coup d’une troisième candidature que de passer la main en 2024. Après avoir remis en cause, il y a quelques semaines, le principe de la limitation des mandats sur le continent devant un parterre de jeunes leaders africains, il vient de clamer haut et fort qu’il est « loin d’avoir achevé son travail de président » dans un entretien à « Jeune Afrique ». Autant dire qu’il semble plutôt disposé à se succéder à lui-même en 2024. Et le cas échéant, c’est le Conseil constitutionnel qui devra trancher. Et tout porte à croire que ce n’est pas Pape Ousmane Sakho et compagnie qui l’en empêcheront si tel est son souhait. C’est d’ailleurs la conviction de Mody Niang dans sa dernière chronique intitulée : « Que faire, après cette décision attendue du Conseil constitutionnel ? ». Et le pour le célèbre chroniqueur, appelée à trancher le débat, cette juridiction n’osera pas contrarier les desseins de Macky Sall s’il veut se représenter en 2024. « Elle serait sûrement prête à valider la candidature du président-politicien à un troisième mandat, si jamais ce dernier s’y aventurait. Et tout indique qu’il s’y aventurerait, malgré tous les risques et périls que cette candidature pourrait entraîner », croit savoir Mody Niang.
En tout cas, si l’opposition voulait avoir un avant-goût de ce que fera le Conseil constitutionnel en 2024, c’est fait. Et c’est de sa capacité ou non à apporter une réponse politique à cette incroyable décision des 7 « sages » sur l’arrêté du ministre de l’Intérieur portant publication des listes de candidatures pour les législatives du 31 juillet, que dépendront et la tentation de Macky Sall pour une troisième candidature et la propension du Conseil constitutionnel à lui baliser le chemin. En vérité, c’est maintenant ou jamais que sera tranchée la question du 3ième mandat. Car, si la surprenante décision des juges constitutionnels pour les législatives passe, il en sera de même pour la 3ième candidature qui, faut-il le rappeler, a peut-être autant de pourfendeurs que de défenseurs.
Momar Diongue