CRISE POLITIQUE AU SENEGAL La France s’en mêle !
Ça y est ! La crise politique au Sénégal a maintenant franchi les frontières du pays. Elle est désormais au cœur du débat au sein de la classe politique en France et les réactions s’enchaînent. Après Robert Bourgi, dernier mohican de la Françafrique qui a soutenu ouvertement le Président Macky Sall, c’est au tour de Jean-Luc Mélanchon, leader de la « France Insoumise » et d’Olivier Faure, Premier Secrétaire du Parti socialiste, de fustiger en revanche ses méthodes autocratiques. Tandis que Macron affiche un silence presque complice comme lorsqu’il s’est agi pour Alassane Ouattara, grand défenseur des intérêts français, de filer vers un troisième mandat en Côte d’Ivoire. Comme souvent entre la France et ses anciennes colonies, notre linge sale pourrait donc se laver dans la …Seine.
C’est à croire que l’opposition regroupée au sein de Yewwi Askan Wi a fini de réussir un grand coup. Son conflit avec la majorité vient en effet de monter d’un cran. Et pour cause, il s’internationalise et est désormais au cœur du débat politique en France.
La répression violente du rassemblement interdit de Yewwi Askan-Wi, le 17 juin dernier, ainsi que l’arrestation de plusieurs responsables dont Déthié Fall, mandataire national de ladite coalition et député à l’Assemblée nationale, Ahmed Aïdara, maire de Guédiawaye et la députée Mame Diarra Fam, ne laissent pas indifférents plusieurs leaders politiques étrangers. Parmi eux, Jean-Luc Mélanchon, leader de ‘’La France insoumise’’ dont la coalition dénommée Nupes est désormais la première force politique de l’opposition en France ou encore Olivier Faure, Premier Secrétaire du Parti socialiste (Ps) français. « Nouvelles alarmantes du Sénégal. Le modèle qu’était ce pays se dissout dans une macronisation accélérée : répression, arrestations, réduction des libertés constitutionnelles », écrit ainsi dans un tweet le leader de la « France Insoumise ». Sur sa lancée, Olivier Faure du Parti socialiste (Ps) français embouche la même trompette et déclare : «La démocratie sénégalaise est piétinée. La liberté de manifester est entravée, la justice instrumentalisée. Les députés de l’opposition Déthié Fall, Mame Diarra Fam, Bara Dolly Mbacké et le maire Ameth Aïdara doivent être libérés» .
Il s’agit là de deux prises de position, formulées dans un langage cru et qui en disent long sur la désapprobation que suscite la crise politique actuelle auprès de certains milieux en France. D’ailleurs, en dehors de ces deux personnalités de la scène politique française, beaucoup d’autres hommes politiques et des intellectuels n’en finissent plus d’exprimer des opinions diverses sur la crise politique qui sévit actuellement au Sénégal. Toutes choses qui ont fait dire à Aymérou Gningue, président du groupe parlementaire de Benno Bokk Yaakar qu’il s’agit d’«une incursion néo coloniale dans la gestion de nos crises internes avec un parti pris manifeste et honteux, doublé d’une ignorance aveugle des dangers qui guettent notre pays qui est un exemple démocratique et qui n’a de leçon à prendre de personne et surtout d’anti modèles, instigateurs des violences vécues avec les gilets jaunes.»
Il faut tout de même noter que le président du groupe parlementaire de Benno n’avait pas parlé d’ « incursion néo coloniale » quand Robert Bourgi, avocat et conseiller politique français, a analysé récemment l’actualité politique sénégalaise dans un entretien exclusif avec « Le Soleil ». «Je sens que le Sénégal traverse une zone de turbulence. Je l’appréhende. Et elle m’inquiète. Pourquoi se le cacher ? Je m’interroge souvent sur le fait de savoir si les Sénégalais sont réellement conscients de la valeur optimale du Président Macky Sall à l’international. Regardons ce qu’il a obtenu en quelques années sur le plan économique, sur le plan des aides internationales », a déclaré récemment cet homme qui incarne la Françafrique, soutenant ainsi ouvertement le Président Macky Sall dans son bras de fer avec l’opposition.
C’est dire qu’en vérité l’imbroglio politique que traverse le pays a fini de diviser la classe politique française entre les pro-Macky et ceux qui se montrent par contre très critiques à son endroit. Pendant ce temps, Emmanuel Macron, lui, affiche un silence presque complice comme lorsqu’il s’est agi pour Alassane Ouattara, grand défenseur des intérêts français, de filer vers un troisième mandat en Côte d’Ivoire. Décidément, les survivances de la Françafrique sont encore tenaces et pourraient hélas impacter sur les gros enjeux politiques du pays d’ici à 2024.
Abdoulaye MBOW