ACCIDENTS DE LA ROUTE, INCENDIES DANS LES MARCHES: Qu’a-t-on fait des mesures prises par l’Etat ?
La poursuite du décompte macabre des accidents de la route et des incendies dans les marchés est une preuve éloquente de l’absence de rigueur et de suivi dans la prise en charge de ces deux fléaux. Nos routes continuent de tuer et en nombre. Les incendies continuent de ravager nos marchés, emportant plusieurs milliards en marchandises. Pendant ce temps, l’Etat est sinon impuissant, du moins pas vraiment décidé à prendre le taureau par les cornes. Résultat : la batterie de mesures annoncées pour en finir avec ce drame sans fin a tout d’un pétard mouillé.
C’est à croire que nos routes se sont transformées en mouroirs. Entre le Magal de Touba, célébré le 15 septembre 2022 et ce mardi 27 septembre2022, cinquante-trois personnes ont perdu la vie suite à des accidents de la circulation. Qui aurait pu imaginer un bilan aussi macabre dans un intervalle d’à peine deux semaines ? Dans le détail, 33 personnes sont décelées sur le chemin, 2 autres ont été écrasées par un camion fou sur la VDN, deux jeunes ont été tués à Sangalkam à bord de leur moto Jakarta par un bus TATA. Le sinistre décompte s’est poursuivi , avec rien moins que 16 morts en un seul jour dans deux accidents survenus à Sindia (7 victimes) et à Tamba (9 pertes en vie humaine). Enfin, pas plus tard que hier, mercredi, un nouvel accident a fait 2 autres morts à Grand Mbao du fait du renversement d’un camion-citerne sur un taxi. Soit, au total, et sur la base des seuls chiffres officiels, pas moins de 55 personnes tuées par accident dans l’intervalle de deux semaines; rien qu’en 2022.
700 morts par accident chaque année et 70 incendies dénombrés ces 5 dernières années
A ce rythme, on est parti pour dépasser le cap déjà préoccupant de …700 morts par accident enregistrés chaque année, selon des chiffres officiels. «Avec en moyenne 700 morts chaque année, le nombre de décès lié aux accidents de la route reste toujours préoccupant au Sénégal. Surtout que ces statistiques ne prennent pas en compte les décès enregistrés au niveau des accidentés qui étaient suivis dans les hôpitaux», faisait en effet savoir une voix autorisée. En l’occurrence, le Directeur général de l’Agence nationale de Sécurité routière (ANASER), Cheikhou Oumar Gaye, qui s’exprimait alors à l’occasion d’un Comité régional de développement (Crd) axé sur la sécurité routière à la gouvernance de Matam.
Hélas, ce fléau des accidents de la circulation est à mettre en parallèle avec un autre, tout aussi préoccupant et relatif aux incendies dans nos marchés. Plusieurs d’entre eux ont été ravagés par une série de violents incendies ces dernières années avec pas moins de sept dates repères. Octobre 2013: incendie au marché Sandaga ; Novembre 2017 : incendie au Parc Lambaye de Pikine ; Avril 2017: incendie au marché Hlm ; Mai 2019 : incendie au marché Sandaga (centre commercial El Malick) ; Octobre 2020 : incendie au Parc Lambaye de Dakar, 7 mars 2022, bis repetita avec à nouveau un énième incendie au Parc Lambaye de Dakar. Cette semaine, c’est le marché central de Kaolack qui a été à nouveau la proie des flammes. Pour rappel, le 25 novembre 2021, le ministre de l’Intérieur, Antoine Felix Diome, avait révélé lors d’une conférence de presse du gouvernement que pas moins de « 70 incendies ont été dénombrés au Sénégal lors des 5 dernières années ».
Deux fléaux, plusieurs mesures annoncées, zéro solution
Ces deux drames sans fin ont ceci de commun qu’ils ont fait l’objet de plusieurs mesures prises par le gouvernement sans que la moindre évolution ne soit notée.
S’agissant des accidents de la route, les annonces les plus marquantes ont été faites par Abdoulaye Daouda Diallo, alors ministre des Transports terrestres et du Désenclavement. Ce fut à la suite d’un terrible accident qui avait fait 25 morts sur la route de Porokhane en février 2018. Il s’agissait en tout d’un paquet de 11 mesures dont l’interdiction de la circulation interurbaine de 22 heures à 6 heures du matin et l’instauration du permis à point.
« Nous pensons qu’il va falloir définitivement mettre des lois en place pour pallier ces difficultés-là. Ce qui fait que nous avons décidé d’interdire toutes les circulations interurbaines à partir de 22 heures jusqu’à 6 heures du matin. Ça c’est une mesure qu’on va prendre», avait-il assuré. «Cette décision va nécessairement faire son effet», avait-il poursuivi, avant d’ajouter : « à partir du deuxième semestre de cette année, nous allons aussi mettre en place le permis à points. Parce que nous avons constaté qu’au-delà justement des difficultés de vue, c’est aussi un problème de comportement, notamment des chauffeurs et il y a lieu de travailler à davantage les ramener à la raison». Et d’après lui, ces deux éléments combinés à l’effort de sécurisation des policiers et gendarmes devaient permettre de réduire les accidents.
Hélas, tout cela ne donnera finalement rien. Tout comme les six mesures annoncées à l’issue d’un conseil interministériel tenu le 21 mars 2018 par le Gouvernement de Mouhamed Boun Abdallah Dionne pour éradiquer les incendies dans les marchés. Première mesure : l’Etat avait décidé de mettre sur place un programme d’installation de bouches d’incendie dans les marchés pour faciliter l’intervention des sapeurs-pompiers. A cet effet, un budget de 300 millions a été dégagé. La deuxième mesure avait trait à la modernisation des marchés. La consolidation du cadre institutionnel de gestion des marchés était la troisième décision. Quatrième mesure : l’évaluation exhaustive des dégâts causés par les incendies. Cinquièmement, le lancement d’un processus pour indemniser les victimes des incendies. Enfin, sixième et dernière décision : l’accélération des programmes de modernisation de certains marchés (Sandaga, Petersen, Tilène).
Malheureusement, rien de tout cela n’est allé jusqu’au bout. Les routes continuent de tuer. Les marchés sont encore régulièrement la proie des flammes.
Momar Diongue