Qui est Rhissa Ag Boula, l’ancien chef rebelle qui s’oppose à la junte au Niger ?
L’ancien chef rebelle touareg et ministre nigérien Rhissa Ag Boula a annoncé mercredi la création d’un Conseil de la résistance pour la République avec pour objectif de rétablir l’ordre constitutionnel au Niger et de libérer le président Bazoum.
C’est une nouvelle pièce qui vient s’ajouter sur l’échiquier nigérien. Deux semaines après le coup d’État mené par un groupe de militaires à Niamey, le ministre Rhissa Ag Boula a annoncé mercredi 9 août le lancement d’un Conseil de la résistance pour la République (CRR), appelant à l’arrestation du chef des putschistes, le général Tiani, et à la libération du président élu, Mohamed Bazoum, dont il était l’un des plus proches conseillers.
L’homme politique touareg dénonce le « jusqu’au-boutisme » de certains membres de la junte, « l’infâme pratique de manipulation de masse » ainsi que « la tentation de faire appel à des mercenaires et criminels de guerre connus sous le nom de Wagner ».
Avec le CRR, cette figure politique bien connue des Nigériens entend rétablir « l’ordre, la légalité constitutionnelle et le président Mohamed Bazoum dans la plénitude de ses fonctions ».
Né en 1957 à Tchirozérine, cité minière perdue dans le désert, à 1 000 km au nord-est de Niamey, Rhissa Ag Boula a d’abord été guide touristique. En 1983, il fonde Temet Voyages, la première agence touristique de la région d’Agadez, avec Mano Dayak, son compagnon de route et emblématique leader touareg mort dans un accident d’avion en 1995.
C’est dans cette décennie 1990 que débute pour lui la lutte armée contre le pouvoir central accusé par les Touareg de violences et de discriminations contre les « hommes bleus » ainsi que d’une mauvaise gestion de l’aide humanitaire destinée aux réfugiés du nord du Niger.
Cette révolte débouchera sur des accords de paix en 1995 et en 1997. Ceux-ci prévoyaient notamment un processus de décentralisation ainsi que l’intégration d’une partie des rebelles dans les forces de sécurité.
Commence alors un nouveau chapitre pour Rhissa Ag Boula, qui entre au gouvernement en tant que ministre du Tourisme et de l’Artisanat. Coiffé de son éternel chèche touareg, l’amoureux du désert veut faire du Niger une nouvelle destination en vogue et ne ménage pas ses efforts pour convaincre les voyagistes européens.
Nommé en décembre 1997, il reste à son poste près de sept années, un record de longévité qui lui permettra de se faire un nom dans le paysage politique nigérien. Mais à partir de 2004, Rhissa Ag Boula accumule les ennuis judiciaires. Accusé de complicité dans le meurtre d’Adam Amangué, un responsable local du parti au pouvoir, il démissionne du gouvernement du président Mamadou Tandja.
Exilé en France, il est condamné à mort par contumace le 14 juillet 2008. La même année, ce proche du leader libyen Mouammar Kadhafi reprend le maquis et crée le Front des forces de redressement (FFR), issu d’un schisme avec le Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ), qui rejette l’accord de paix signé dans les années 1990 avec le gouvernement.
De retour à Niamey après le coup d’État militaire ayant renversé en février 2010 le président Tandja, le chef touareg est rattrapé par la justice dans l’affaire du meurtre d’Adam Amangué. Il est interpellé et incarcéré avant de bénéficier d’un non-lieu en décembre de la même année.
Définitivement blanchi, Rhissa Ag Boula revient à la politique dans sa région natale. En 2011, il est élu conseiller régional d’Agadez puis nommé conseiller sur les questions sécuritaires du président de la République tout juste élu, Mahamadou Issoufou. Une fonction que ce fin connaisseur du Sahel conservera sous le mandat de Mohamed Bazoum.
« Les observateurs disent qu’il est toujours un personnage influent dans le Sahel mais il faut encore attendre pour connaître ses intentions », explique Serge Daniel, le correspondant de RFI et France 24 pour l’Afrique de l’Ouest, à propos du rôle du Touareg dans la crise actuelle et de la création du CRR en soutien au président.
L’implication de Rhissa Ag Boula vient en tout cas compliquer une situation déjà très volatile depuis le coup d’État perpétré par le général Tiani et ses hommes. « Les groupes armés jihadistes et indépendantistes comme au Mali, dont l’antagonisme avec les autorités est actuellement fort, vont aussi peser dans l’équation », prédit Niagalé Bagayoko, présidente de l’African Security Sector Network, interrogée par RFI.
L’ancien chef rebelle assure toutefois qu’il ne souhaite pas reprendre les armes pour le moment, plaidant pour le rassemblement de « tous les Nigériens démocrates et républicains » dans une interview accordée à Jeune Afrique.
Mais le discours reste pour le moment ambigu sur le rôle que le CRR pourrait jouer dans les prochaines semaines. Dans son communiqué, le mouvement nouvellement créé annonce « qu’il se donnera tous les moyens nécessaires » pour rétablir le président Bazoum dans ses fonctions et affirme soutenir la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et ses partenaires internationaux en cas d’intervention militaire au Niger.