LETTRE OUVERTE AU PRESIDENT MACKY SALL SUR LE PROCESSUS ELECTORAL
Boubacar Camara étale ses inquiétudes et prévient Macky Sall
Dans une lettre ouverte adressée au Président Macky Sall portant le titre «Le Rubicon est franchi, préservons la paix», Boubacar Camara Kamâh a étalé ses inquiétudes face au processus électoral. Il a profité de cette tribune pour prévenir et mettre en garde Macky Sall.
«M. le Président de la République, je sais que vous le savez. La tension politique monte et ne faiblit pas. La tension sociale n’est pas en reste. Le sentiment d’injustice et les frustrations gagnent du terrain avant même le verdict des urnes», a d’emblée soutenu Boubacar Camara. Dans sa lettre ouverte adressée au Président Macky Sall, il ajoute : «Malgré les efforts combinés, pendant plusieurs décennies, de la classe politique, de la société civile et des partenaires au développement, le système électoral sénégalais a révélé son point faible : la gestion de la participation aux élections.» Non sans indiquer que «la situation inédite actuelle comporte de graves conséquences juridiques et politiques. Les incertitudes sont largement justifiées à la suite de la décision du Conseil constitutionnel, une liste de suppléants n’a-t-elle pas changé de nature juridique en se drapant de toutes les caractéristiques d’une liste de titulaires ? Tout porte à le croire car une liste de « suppléants » en compétition sans liste de titulaires recueille les suffrages des électeurs qui lui attribuent directement des sièges de députés dans les mêmes conditions que les listes de titulaires des autres partis ou coalitions concurrentes.» Une occasion pour poser un certain nombre de questions. «Peut-on toujours considérer ce candidat comme un suppléant ? Peut-on obliger le suppléant qui, au départ, a déposé une déclaration de candidature pour remplacer un titulaire élu dans l’éventualité d’une vacance, à changer de posture ? Peut-on valablement empêcher une coalition privée de sa liste de titulaires de reconstituer une liste de suppléants complète, avec les candidats de son choix et les identifiants comme la photo de la tête de liste ? La présentation d’une liste incomplète (50 au lieu de 53) contrairement aux autres listes concurrentes est-elle admissible ? Les modalités de remplacement d’un député titulaire élu sur une liste de titulaires sans liste de suppléants n’étant pas définies, comment procéder en cas de vacance ?», s’interroge-t-il.
De nombreuses préoccupations…
Toujours dans sa missive adressée au Président Macky Sall, M. Camara n’a pas manqué de faire remarquer qu’«au-delà de ces interrogations, d’autres préoccupations méritent d’être soulevées nonobstant l’encadrement juridique en vigueur.» C’est pourquoi, il pose une fois de plus plusieurs questions. «Peut-on raisonnablement admettre la possibilité d’écarter une liste entière d’une participation aux élections parce qu’elle comporte une irrégularité sur un (e) candidat (e) clairement identifié(e) ? Peut-on raisonnablement admettre de priver d’une participation un parti ou une coalition parce qu’un parrain a été déposé en plus ? Peut-on raisonnablement admettre qu’un texte réglementaire soit publié dans un numéro spécial du Journal officiel qui prend effet pour un événement qui s’est produit la veille ? Peut-on raisonnablement admettre qu’une décision de la justice communautaire exigeant de revoir le système de parrainage sur des points essentiels ne soit pas pris en compte ? Peut-on raisonnablement admettre qu’une liste de candidats soit écartée pour défaut de parité alors que l’idéal est de faciliter l’observation de la règle paritaire en autorisant les rectifications idoines et en aidant les acteurs à se conformer à ce principe salutaire ? Peut-on raisonnablement admettre qu’une liste soit écartée parce que le montant de la caution exigée, bien que réuni, n’est pas déposé sous forme d’un chèque de banque alors que l’essentiel est de s’assurer de l’effectivité de la provision et de l’origine licite des fonds ? Peut-on raisonnablement admettre qu’une liste soit écartée parce des parrains ne sont pas retrouvés comme électeurs alors que leur pièce d’identité prouve le contraire et qu’ils ont effectivement apposé leurs signatures sur les fiches de parrainage ?»
Il croit savoir qu’«en plus de tout cela, il est aisé de constater qu’aucune poursuite judiciaire n’est engagée contre les auteurs de parrainages multiples malgré la sanction pénale prévue. Il est également évident que le contrôle du parrainage se fait avec un système conçu et mis en œuvre sans consensus ni droit de regard de tous les acteurs.» A l’en croire, «dans ces conditions où trop de faits dérangent, vous comprenez aisément l’incompréhension et les frustrations des acteurs politiques victimes de ces dysfonctionnements ou incohérences, quel que soit leur niveau de responsabilité dans la survenance du dommage.» Sans détours, il clame qu’«aujourd’hui, le piège s’est refermé sur tous les acteurs, le Rubicon est franchi. Pour sortir de cette spirale, l’heure est donc venue d’examiner urgemment ces entorses au principe démocratique de la libre participation à la compétition pour l’expression du suffrage du corps électoral.»
Du sens de la responsabilité du Président
Dans sa lettre, il dit aussi à Macky Sall que «c’est à votre sens de responsabilité que je me permets de faire appel. Il vous revient de préserver la paix et la stabilité avant d’être dans l’obligation de tenter de les rétablir.» Mieux, clame Boubacar Camara, «aujourd’hui, les germes pouvant faire craindre une menace sérieuse sur la stabilité politique et sociale de notre pays sont perceptibles. En effet, le contexte est marqué par une violence verbale inouïe, venant de tous les bords et dont le traitement différencié est étonnant, un pouvoir d’achat érodé par plusieurs facteurs internes et externes, une insécurité galopante, un environnement international instable notamment dans la sous-région, une étincelle suffit pour que le pire survienne. Que Dieu nous en préserve ! De surcroît, on s’achemine vers des élections législatives dont les enjeux n’échappent à personne.» Face à une pareille situation, il lui demande d’agir «pour le mieux, pour le bien de notre pays commun que nous vous avons confié, en faisant preuve de dépassement. Vous connaissez parfaitement votre devoir.»
MBOW