RENCONTRE MACKY SALL-POUTINE SUR LE BLE ET AUTRES CEREALES

Aveu de dépendance et d’impuissance 

Mandaté par ses pairs du continent, le Président Macky Sall, président en exercice de l’Union africaine, a certes réussi un véritable coup diplomatique. Car, faut-il le souligner, sa réception par Vladimir Poutine à Sotchi, est de loin plus chaleureuse que celle d’autres dirigeants de puissances économiques et militaires qui se sont rendus avant lui au Kremlin. Toutefois, en y allant uniquement pour plaider la reprise des exportations russo-ukrainiennes sur le blé et autres céréales, il dévoile l’impuissance du continent et sa très grande dépendance vis-à-vis du reste du monde.

Il y a quelques semaines, voire quelques mois, l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) alertait sur les risques d’une grave  crise alimentaire liée à la guerre entre la Russie et l’Ukraine. En effet, les deux pays sont les premiers exportateurs de blé, ainsi que d’autres céréales et d’engrais. Et leur conflit a fini de bloquer la circulation de plusieurs millions de tonnes de ces denrées très consommées dans le monde et surtout en Afrique. A ce propos, la FAO faisait encore savoir que «la guerre entre la Russie et l’Ukraine a déclenché une crise alimentaire mondiale qui dépasse largement la région de la mer Noire.» Des alertes qui peuvent donner le tournis aux dirigeants africains au point de donner mandat au Président Macky Sall pour aller à la rencontre de Vladimir Poutine. Ainsi, mandaté par ses pairs, le président en exercice de l’Union africaine a été reçu à Sotchi par l’homme fort du Kremlin. Une rencontre cordiale entre les deux hommes. Mais, surtout, une opportunité saisie par Macky Sall pour plaider la levée des sanctions contre la Russie afin de faciliter les importations russo-ukrainiennes sur les céréales, en particulier le blé, ainsi que les engrais.

En effet, comme l’a rappelé la FAO, «l’Ukraine et la Russie, longtemps considérées comme le grenier à blé de l’Europe grâce à leurs sols riches et fertiles, représentent environ un quart des exportations mondiales de blé, ainsi que d’importantes quantités d’huile de tournesol et de maïs, et la Russie est un grand exportateur de produits fertilisants.» C’est donc dire que la doléance portée par le Président Macky Sall au nom de ses pairs, peut bel et bien se comprendre, surtout que l’Afrique est constamment guettée par de récurrentes crises, surtout alimentaires.

Mais, si du point de vue de la diplomatie, cette rencontre a été une réussite, elle n’en démontre pas moins un aveu de dépendance et d’impuissance pour un continent africain qui dispose pourtant de tous les atouts en matière agricole pour atteindre son autosuffisance alimentaire. En tout cas, les dirigeants africains semblent ne jamais apprendre de leurs erreurs et des retards à combler. Lors de la pandémie à Coronavirus, le continent était allé quémander des masques et autres vaccins contre le Covid-19. L’on pensait qu’au sortir de cette crise sanitaire, la réflexion serait enfin lancée sur le continent pour un système plus résilient. Que nenni.

La plaidoirie de Macky Sall auprès de Poutine est aussi la preuve que l’Afrique est encore très fragile aux plans agricole et alimentaire. Et pourtant, en dehors des facteurs environnementaux dus à un cycle de sécheresse qui plombe l’activité agricole dans certaines parties du continent, l’Afrique peut être en capacité de trouver les mécanismes d’une indépendance alimentaire quasi-générale.  A ce propos, la FAO a été très précise, arguant que «la guerre en Ukraine a mis à nu la fragilité du système alimentaire mondial dominant, fondé sur des méthodes de production industrielle hautement spécialisées, des chaînes d’approvisionnement transnationales et une concentration excessive.» Mieux, argumente l’organisme des Nations-Unies, «les pays qui dépendent des importations en provenance de Russie et d’Ukraine doivent trouver d’autres sources d’importations alimentaires et diversifier leurs sources d’alimentation. Il est impératif que les pays exportateurs de céréales s’abstiennent de la tentation d’imposer des restrictions à l’exportation, ce qui pourrait faire grimper davantage les prix des denrées alimentaires.» C’est dire que cette dépendance de l’Afrique, encore prouvée par cette crise entre ces deux pays d’Europe, témoigne de l’absence sur le continent d’orientations agricoles pertinentes et résilientes.

Abdoulaye MBOW