15 femmes tuées en 2022: Quand les conjoints se muent en meurtriers

C’est une série noire comme on n’aime pas en voir. En 2022, 15 femmes ont été tuées froidement ou accidentellement par leurs époux. Mais qu’est-ce qui peut bien se passer dans la tête d’un homme pour qu’il en arrive à tuer sa femme ? Nous avons essayé d’en savoir plus avec la socio-anthropologue, Mme Ndiaye Khady Samb.

Plusieurs cas de meurtres impliquant deux conjoints ont été enregistrés dans le pays ces derniers temps. Le drame le plus récent s’est produit dans le département de Bounkiling plus précisément à Madina Wandifa où une femme a été éventrée par son mari. Récemment à Matam, plus précisément à Gourel, un homme, cultivateur de son état, a tué son épouse âgée de 19 ans après 4 ans de mariage, suite à une dispute conjugale. A Liberté 5, une femme a été aussi battue récemment, puis étranglée à mort par son mari. Loin du Sénégal, au Maroc, Fatou Baldé a été tuée par son mari devant leur enfant de deux ans.

« L’éducation au mariage ne se fait plus dans les familles »

Cette série macabre suscite beaucoup d’interrogations auprès des populations. « Tout d’abord, il ne faut pas qu’on fasse d’amalgame. Ce qui se passe plutôt, c’est que des femmes ont été tuées dernièrement par leurs maris alors que le féminicide, c’est quand une femme se fait tuer pour son sexe ou son statut de femme simplement », clarifie la socio-anthropologue Mme Ndiaye Khady Samb.  Et de préciser qu’aussi bien les hommes que les femmes tuent leurs conjoints.   « Actuellement, on voit que ce sont davantage  les  hommes qui  tuent leurs femmes, mais il est déjà arrivé que des femmes tuent leurs époux. Si on se rappelle le drame qui s’était produit aux Maristes avec la dame Mbacké dans le rôle de meurtrière car c’est elle-même qui avait tué son mari. Je crois que ce sont des faits sociaux qui découlent de plusieurs raisons », déclare la socio-anthropologue.

En effet, soutient la socio-anthropologue, le monde connaît actuellement de profondes mutations et cela impacte tous les pays. « Je peux même dire que le monde a entièrement changé, l’éducation au mariage ne se fait plus dans les familles. Et que c’est l’intérêt personnel qui prend le dessus sur l’intérêt du couple. Rappelez-vous qu’il y a de cela deux ans, la crise sanitaire a touché le monde entier et les conséquences de cette covid-19 se font encore sentir dans les foyers », soutient Mme Ndiaye Khady Samb.

« C’est l’intérêt personnel qui prend le dessus sur l’intérêt du couple »

En outre, selon toujours la socio-anthropologue, pendant la crise du covid-19, le constat est qu’il y a eu aussi beaucoup de divorces. Donc, aujourd’hui, certains préfèrent divorcer que de continuer à vivre en couple dans des conditions qui ne sont pas les meilleurs. Il faut noter, dit-elle, que s’il y a mariage, c’est que les deux personnes s’aiment. Seulement, un phénomène extérieur peut intervenir et saper la sérénité au sein du couple. Et il en est ainsi de la crise sanitaire et économique qui a impacté négativement la société et est à l’origine de beaucoup de bouleversements au sein des familles, en particulier dans les couples. Pour Mme. Ndiaye, on doit plutôt revoir l’éducation des jeunes. « L’éducation au mariage qui se faisait avant ne se fait plus ou se fait de moins en moins. Il y a aussi l’isolement de plus en plus de jeunes couples qui, dès leur mariage, prennent un appartement alors qu’auparavant tout le monde vivait dans la grande concession. Et cela a des conséquences souvent très néfastes car si le jeune couple est dans la grande famille, le mari ou la femme sont astreints à la bonne conduite devant leurs parents ou leurs beaux-parents. Ce qui n’est pas le cas si le couple vit seul et essaie de régler les problèmes sans se référer aux parents », explique-t-elle.

Il faut donc une rééducation de la jeunesse au sens strictement sénégalais et la socio-anthropologue insiste sur cet aspect éducatif. « On doit leur apprendre comment gérer une femme, un foyer,  ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut surtout pas faire. Il faut surtout miser sur l’éducation », insiste-t-elle. A cela s’ajoute, la dépravation des mœurs qui touche presque tous les foyers, selon toujours Mme Ndiaye  Khady Samb. «Aujourd’hui, la jeunesse a tendance à copier ce qui se passe ailleurs ; ce qui n’est pas notre culture », fait-elle remarquer. En effet, ce qu’il faut mettre en avant, pour Mme Ndiaye, c’est l’éducation de base et la sensibilisation au niveau de la population. « Je pense que si on s’appesantit sur ces aspects, on peut espérer se retrouver dans une situation très différente de ce que l’on est en train de vivre actuellement. On assiste à l’éclatement de la famille nucléaire ; ce qui aggrave la situation », précise-t-elle. Pour cela, la socio-anthropologue insiste sur le fait que l’Afrique doit miser surtout sur ses valeurs.  « Si nous sommes dans la grande famille, nous avons la chance de bénéficier de l’expérience des parents. Ce qui fait la différence de l’Afrique, c’est qu’on a la chance d’être dans une famille nombreuse, ce qui réduit probablement les risques de tensions », explique-t-elle.

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